Osez partir au large : la préparation d’une première traversée
- Arcticstern
- il y a 3 jours
- 5 min de lecture
Il y a un moment dans la vie d’un marin où le rivage cesse d’être un refuge, et devient une ligne à franchir. Ce moment où le regard se tourne vers l’horizon, non plus comme une limite, mais comme une promesse.
Partir au large, c’est répondre à cet appel. Mais c’est aussi accepter tout ce qu’il implique : le doute, la fatigue, la responsabilité, la beauté brute du large.

Sourire de lever de soleil
Beaucoup pensent que la difficulté d’une traversée réside dans la navigation elle-même: ajuster les voiles, barrer, tenir un cap.
En réalité, ce n’est pas là que se joue l’essentiel.
Naviguer, ce n’est pas seulement gérer un bateau, c’est gérer tout le reste : le bateau, l’équipage, les émotions, la durée. C’est maintenir la cohésion, préserver la mécanique, anticiper la météo, et surtout, rester lucide, même quand le corps réclame du repos et que la mer impose son rythme.
La préparation : fondation invisible de toute traversée
Une traversée réussie ne commence pas au moment de larguer les amarres, mais bien avant. Dans les jours, les semaines, les mois qui précèdent, quand on inspecte, on révise, on vérifie — encore et encore.
Un bateau prêt à affronter le large, c’est un bateau dont chaque élément a été pensé, testé, ajusté. Les drisses, les voiles, les passes-coques, les systèmes électriques, les stocks de vivres. Rien n’est laissé au hasard, car la mer ne tolère pas l’improvisation.
Mais la préparation ne s’arrête pas au bateau. Elle concerne aussi — et surtout — les femmes et les hommes qui monteront à bord. Un équipage doit savoir à quoi s’attendre. Il doit connaître son rôle, comprendre les procédures, les gestes à adopter.
Avant chaque départ, je prends toujours le temps d’un briefing complet : la répartition des quarts, la gestion de la fatigue, les routines de sécurité. Cela ne rend pas la traversée plus facile, mais cela permet d’aborder chaque situation avec clarté et confiance.
La vraie sécurité, c’est la conscience de ce qui peut arriver, et la capacité collective à y répondre.
La gestion : l’art de durer
Une fois en mer, tout devient concret. Le vent, la houle, le rythme du bateau…
L’océan impose sa loi, et le marin s’y adapte. C’est à ce moment-là que la différence se fait entre une navigation subie et une traversée vécue pleinement.
Je me souviens de cette tempête entre la Gaspésie et les Açores : deux jours de vent soutenu à plus de trente nœuds, des rafales dépassant cinquante, des vagues de six à sept mètres, et un pilote automatique incapable de tenir le cap. Après plusieurs départs au lof nous avons décidé de barrer à la main, vent arrière.
Nous étions prêts. Le bateau était solide, l’équipage briefé. Chacun savait quoi faire, quand le faire, et pourquoi.
Mon rôle, dans ces moments-là, n’est pas de jouer les héros, mais de maintenir le cap humain : garder les esprits concentrés, éviter la panique, anticiper la fatigue.
J’avais prévenu mes équipiers : “au début, ce sera grisant. L’adrénaline, la puissance du vent, l’excitation… Mais à un moment, tout cela retombera, et il faudra tenir, calmement, sans erreur. Le sprint va devenir endurance.”
Et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Pas un mot plus haut que l’autre, pas un geste inutile. Nous avons traversé cette tempête avec sérénité, sans casse, et avec le sentiment d’avoir partagé quelque chose de rare.

Belles conditions en traversée
C’est là tout le paradoxe du large : des conditions extrêmes peuvent devenir de magnifiques expériences, si elles sont bien préparées et bien vécues. À l’inverse, un simple grain peut tourner à la galère si la cohésion ou la vigilance font défaut.
La mémoire du bord : entre technique et émotion
Chaque traversée mérite d’être racontée. Pas pour l’égo de chacun, mais pour ce qu’elle enseigne.
Sur Venus, notre Baltic 51, je tiens toujours un journal de bord. Un vrai carnet, en papier, que l’on remplit à la main. On y note la météo, la vitesse, le cap, la voilure, les conditions de mer… mais aussi les impressions de chacun.
Ce carnet a plusieurs fonctions. C’est un outil technique, d’abord : il me permet de retrouver quelles voiles étaient utilisées dans quelles conditions, et d’adapter mes choix pour les navigations futures. Mais c’est aussi une mémoire humaine.
En lisant les mots de l’équipage, je découvre ce qui les a marqués, ce qu’ils ont aimé, ce qui les a émus.À chaque retour, je transmets ce journal aux participants. C’est une trace, un souvenir commun, un fil qui relie l’expérience vécue à ce qu’elle a transformé en chacun.
Transformer l’expérience en compétence
Naviguer, c’est apprendre en permanence. Et la mer ne manque jamais d’enseignements.
Mais encore faut-il les transformer en méthodes. Après chaque traversée, je prends le temps d’un vrai retour d’expérience. J’analyse les choix météo, les réglages, les petites avaries, mais aussi la vie à bord : les repas qui ont réchauffé le moral, les jeux qui ont soudé l’équipage, les routines qui ont fonctionné.
C’est à partir de là que je peaufine mes “boîtes à outils” : mes checklists de vérification, mes plans de route, mes procédures de veille, mes menus types. Rien n’est figé, tout évolue. Chaque mer enseigne quelque chose de différent, chaque équipage apporte sa nuance.
Ce travail d’après-coup, c’est ce qui transforme une traversée isolée en progression réelle. Ce n’est pas seulement un apprentissage technique, mais une forme de lucidité, une humilité acquise dans la durée.
Oser, mais avec méthode
Beaucoup de navigateurs rêvent de “partir au large”, mais hésitent à franchir le pas. Par peur de ne pas être prêts, de manquer de compétences, de se sentir dépassés.
Pourtant, il ne faut pas être un marin d’élite pour le faire. Il faut surtout être rigoureux, curieux et attentif.Ce qui fait la différence, ce n’est pas le courage, mais la préparation.
Une traversée, ce n’est pas une épreuve, c’est un apprentissage. C’est une expérience où la technique, la gestion humaine et la conscience de soi s’entremêlent. La mer ne récompense pas la bravoure, elle récompense la lucidité. Et c’est cette lucidité qu’il faut cultiver.
Un partage d’expérience
C’est avec cet esprit que je donne le webinaire “Osez Partir au Large – Préparer sa première navigation”, le mercredi 22 octobre à 19 h.
J’y partage, pas des théories, mais des méthodes concrètes, issues de ma propre expérience en tant que capitaine et chef d’expédition sur plus de 45 000 miles nautiques. De la planification météo à la préparation du bateau, de la gestion de l’équipage aux routines du quotidien, tout ce que j’aurais aimé qu’on m’explique avant ma première traversée du Pacifique.
Ce webinaire est conçu pour celles et ceux qui rêvent de franchir ce cap. Ceux qui sentent que c’est le moment de se lancer, mais veulent le faire avec méthode, confiance et plaisir.
Parce qu’au fond, la mer n’est pas un obstacle. C’est un miroir. Et chaque traversée, quand elle est bien préparée, révèle autant sur le monde que sur soi-même.